
technique mixte, 180x92cm
Contrepoint chromatique
Par : Jules Arbec, critique d’art
L’œuvre est un livre ouvert, lieu privilégié où l’artiste inscrit, au rythme de ses sentiments, couleurs et formes qui entrouvrent une fenêtre sur un univers.
À travers ce langage pictural, Thérèse Lacasse définit et dévoile ainsi les liens secrets qu’elle entretient avec le visible. Toute la force la consistance de sa démarche reposent en fait sur la coexistence d’un senti, qu’elle rend avec nuance et subtilité, savoir-faire et d’une rigueur d’exécution, fruit d’une maîtrise de techniques variées, acquises au cours d’une carrière riche et diversifiée.
Chez Thérèse Lacasse, le sujet conserve toujours une certaine importance puisqu’il en est d’abord cette source première, ce creuset d’où jaillissent formes et émotions qu’elle désire partager. Toutefois, ses figures humaines, ses personnages féminins et mêmes certaines de ses natures mortes qui peuplent sa peinture ne sont pas importants sur le plan de la représentation, mais à cause de cette présence avec laquelle ils s’imposent à cette frontière incertaine qui sépare le réel de l’imaginaire.
Dans l’élaboration de ses tableaux, l’artiste semble s’appuyer sur un schéma initial apparemment stable et recourt à des procédés rigoureux qui cautionnent la véracité de son travail. Dans ce cadre, les plans successifs sont des points de repères qui sollicitent le regard, l’invitent à pénétrer plus avant dans l’œuvre par l’intérieur.

Les pistes de lecture n’en sont pas brouillées pour autant, puisque ses compositions comportent un ressort réunificateur. Ses œuvres offrent alors cette latitude de perception, cette liberté de refaire, à partir d’une multiplicité de points de vue, la synthèse du tableau au niveau visuel comme ceux du senti et de la charge émotive qu’il dégage.
À travers leur métamorphose, formes, couleurs et volumes suggèrent néanmoins cette consistance, cette réminiscence d’un réel que l’artiste refuse de figer dans leur structure, en réinventant des images qui se situent à cette limite incertaine qui sépare le figuratif de l’abstrait.
À cette frontière mal définie, Thérèse Lacasse s’interroge et surtout nous questionne sur la nature même de notre mode de perception, sur l’épaisseur et la véracité de ce que l’on est convenu d’appeler, faute de mieux, réalité objective.
Le rendu de ses personnages est très révélateur à cet égard. D’un trait, à la fois léger et appuyé, l’artiste leur confère souplesse et autonomie. Ces formes, à peine évoquées, se diluent alors dans une trame qui filtre une lumière feutrée pour en retenir émotions et nuances.
Dans ces lieux, ou disons plutôt ces « espaces habités », les sujets passent d’une stylisation soutenue à une dissolution dans un lieu morcelé. Le tableau se fait alors lieu de passage, transition et plaque tournante entre un monde extérieur et des paysages intimes auxquels nous convie l’artiste. Ce phénomène qui marque particulièrement sa récente production constitue chez elle l’amorce d’une phase plus abstraite, plus intériorisée, mais tout aussi riche que les précédentes.
Liberté du geste et, tout particulièrement, traitement des couleurs sont le pivot essentiel de ce langage. Ici, de grandes plages chromatiques qui se croisent, se superposent, voisinent avec des zones plus réduites, sortes de contrepoints dans l’alternance d’une transparence et d’une opacité.
Les effets texturés contrastent alors avec la fluidité de certaines couleurs. Dans cette effervescence, volumes et dégradés assurent à ses compositions un ancrage, une stabilité nécessaire pour déterminer les temps forts et le rythme mythique et quasi sonore de ses œuvres.
Pour l’artiste, chaque tableau devient une enclave secrète, taillée au creux du visible au cœur de l’imaginaire. C’est un lieu de rendez-vous où rêve et réalité se conjuguent dans le temps et dans l’espace de l’œuvre.
Œuvres de Thérèse Lacasse à la Galerie Valentin
Galerie Valentin
1490, rue Sherbrooke Ouest
Montréal, Québec
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